« Ça, ce sont des mollets sans alcool ni tabac ! »

Hommage à Marcel JARDON, ancien Patriarche du pieu de Nice

soeur et frère Jardon

Marcel JARDON, presque 99 ans, est décédé le 2 juillet 2019.

Après près d'un siècle de dévouement à sa famille, à ses proches, mais aussi et surtout au Seigneur, il a été rappelé auprès de son Créateur pour rejoindre Georgette, son épouse, qui a quitté cette vie il y a trois ans. Lors du service funéraire tenu le 8 juillet 2019 à l’église de Nice, plusieurs personnes ont pris la parole pour dire un dernier au revoir à Marcel et rappeler à l’assistance l’homme qu’il était.

Dès l’introduction, Serge GASTON, son neveu, déclare : «Il a touché et béni la vie de nombreuses personnes.» En effet, Marcel Jardon, ou 'Papi JARDON' comme beaucoup de membres de l’Église l’appelaient affectueusement durant les dernières décennies de sa vie, était sans nul doute un homme de foi et de caractère.

Éric, le plus jeune de ses fils, rappelle que Marcel tenait un atelier de coutellerie dans une cité marchande à proximité du centre-ville de Nice. C’était un homme très courageux et plein de bon sens. Il avait aussi des capacités physiques exceptionnelles et pratiquait plusieurs sports, notamment le vélo, moyen de transport qu’il avait utilisé assidûment toute sa vie et cela quelle que soit l’inclinaison de la pente ! Cela lui avait d’ailleurs valu le surnom de « Poulidor » par certaines personnes de son entourage.

Avec Elisabeth, sa fille, on découvre en plus un homme plein d’humour, très ouvert sur le monde des arts et doté d’un goût pour la lecture, le dessin et le chant. Sur la fin de sa vie, Marcel avait pour habitude de plaisanter en disant : « Avant, j’avais la voix de Tino Rossi, maintenant, j’ai la voix de Tino rassis ! »[i]

Les petits-fils de Marcel se rappellent un papi farceur, amateur d’histoires drôles et de récits autobiographiques. On apprend aussi qu’il avait été jockey dans sa jeunesse, en région parisienne. Il aimait instruire ses petits-enfants, leur enseigner des leçons, approfondir les choses. Un jour, leur montrant ses mollets de cycliste entraîné, il leur avait lancé : « Ça, ce sont des mollets sans alcool ni tabac ! »[ii]

Daniel, l’aîné des enfants de Marcel et Georgette, met l’accent sur l’engagement indéfectible manifesté par son père sur le chemin du disciple. Il relate le parcours de Marcel, qui rechercha la vérité dans les années d'après-guerre, à Nice, puis se fit baptiser avec une partie de sa famille en 1951, après avoir connu l’Église en rendant service à des voisins. C’est une fois membre qu’il rencontre Georgette et se marie avec elle, en 1952. Très vite, il est impliqué dans l’édification du royaume de Dieu dans cette partie de la France, comme dans l’unique et seule mission française à l’époque. Il participe d’abord de ses mains à la construction de l’église de Nice, pendant quatre ans ; il y consacre tous ses jours de congés et fériés. Ensuite, il accepte volontiers tous les appels qui lui sont confiés, notamment ceux de président de branche, de conseiller et président de district, de servant au Temple, puis de scelleur. Mais c’est dans son appel de Patriarche de pieu, qu’il magnifiera pendant trente-deux ans, que Marcel marquera profondément les esprits de plus d’un millier de membres à qui il donnera une bénédiction patriarcale. Appelé au moment de l’organisation du pieu de Nice, le 15 mai 1980, par Mark E. PETERSEN, apôtre, et par Robert D. HALES, futur apôtre, Marcel Jardon apprendra de ces deux dirigeants qu’ils ont reçu, avant même de lui avoir adressé la parole, une révélation irréfutable le désignant comme patriarche : «C’est lui», ont-ils dit en le voyant. Daniel témoigne au sujet de son père : «Il savait dans son cœur que Jésus était le Christ, le Sauveur.» Il ajoute : « Il a rempli son rôle, il a été un exemple de service et de loyauté, et a témoigné jusque dans ses derniers jours de la véracité de l’Église.»

Serge Gaston, à son tour, exprime sa conviction que «Marcel faisait partie des âmes nobles et grandes parmi lesquelles Dieu se tenait » (Abraham 3 :22). Puis, citant un passage de la Bible, il rappelle qu’il y a «un temps pour toute chose sous les cieux: un temps pour naître, et un temps pour mourir ;un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté;  […] un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser…» (Ecclésiaste 3 :1-4). Il déclare : «Pendant que nous pleurons le départ de Marcel ici-bas, Georgette pleure de joie de le retrouver là-haut, … l’amour a vocation à perdurer, à continuer de rayonner dans les cieux.» S’appuyant ensuite sur Alma 34 :32-34, il nous rappelle que cette vie est le moment où nous devons nous préparer à rencontrer Dieu. C'est notre objectif, rappelle-t-il. Car «qui voudrait vivre éternellement cette vie terrestre aux limites évidentes ?» « Quel usage faisons-nous de ce temps ? », demande-t-il ensuite. Finalement, après une exhortation à faire le point sur notre situation vis-à-vis du Seigneur, il termine par ces paroles, en référence à Marcel et Georgette : «Puissions-nous nous inspirer de leur vie pour nous préparer à la mort.»

Jean-Aimé Durand, ancien président du pieu de Nice, qui a œuvré aux côtés de Marcel dans l’Église durant de longues années, s’adresse à celui-ci avec tendresse, disant : « Tu t’es tenu aux carrefours les plus importants de ma vie ». Et, faisant le récit, avec le verbe facile qui le caractérise, de quelques belles expériences de sa vie personnelle, il assure que le patriarche n’aura pas eu besoin de franchir le voile pour que ses mérites soient reconnus. Frère Durand conclut en faisant l’éloge du «potentiel de foi, de bonté, d’intégrité et d’amour» de son frère dans la foi.

Allan Le Bras, actuel président du pieu de Nice, témoigne par ailleurs dans un message écrit : « Nous perdons un véritable disciple du Christ qui aura marqué nos vies par sa persévérance jusqu'à la fin et sa détermination à avancer fidèlement sur le chemin des alliances, sans jamais s'arrêter ! Il est impossible de mesurer l'influence bénéfique que lui et son épouse Georgette ont eue sur nombre de nos vies pendant près de sept décennies. »

Marcel Jardon a été un homme aimé du Seigneur et de sa famille, mais aussi des personnes qui ont eu la bénédiction de le côtoyer. Son exemple de fidélité et de dévouement, sa force de caractère, et l’amour qu’il a répandu tout le long du chemin laissent derrière lui une empreinte durable et mémorable.

«… Mais c’est dans le cœur des justes qu’il demeure ; oui, et il a dit aussi que les justes s’assiéront dans son royaume, pour ne plus en sortir ; mais leurs vêtements seront blanchis par le sang de l’Agneau.» (Alma 34 :36)

Pascale ACLOQUE

Correspondante locale du Liahona pour le pieu de Nice
D’après les discours et témoignages des personnes citées dans cet article

[i]Texte lu par Elisabeth lors des obsèques de son papa, Marcel JARDON :

Je me souviens…

Je me souviens de ce jumeau si fier de sa sœur aînée, née quelques minutes avant lui. De cet homme pour qui la famille comptait plus que tout.
Je me souviens de cet homme, parfois délaissé par sa mère mais qui a su s’occuper d’elle jusqu’au bout de sa vie.
Je me souviens de cet homme trop modeste mais qui lisait tout ce qui était à portée de ses yeux pour en savoir toujours plus.
Je me souviens de cet homme qui, lorsqu’il était plongé dans ses lectures, savait si bien s’évader que l’on devait l’appeler plusieurs fois pour qu’il revienne à la réalité.
Je me souviens de son désespoir devant ses yeux qui le lâchaient peu à peu et le privaient de ces moments précieux.

Je me souviens de cet homme courageux, qui ne s’autorisait que peu de repos, pour pouvoir nourrir sa famille.
Je me souviens de son angoisse lorsque sa santé ne le lui permettait pas.

Je me souviens de cet homme bien vivant, désireux d’associer nature et santé, santé de ses enfants. Je me souviens du pain de la Vie claire, auquel j’aurais préféré les baguettes, de la levure que l’on devait saupoudrer un peu partout. Mais je me souviens aussi du lard et du reblochon, incontournables sur la table d’un vosgien.

Je me souviens de cet homme mince et musclé, désireux d’associer sport et santé, qui se déplaçait à vélo ou à pied (comme j’aurais voulu être en voiture comme mes camarades !! Et combien je suis reconnaissante aujourd’hui d’avoir appris à ne dépendre que de mon propre corps !). Je me souviens de cet homme qui parlait peu de lui mais grâce à la sœur de qui j’apprenais qu’il avait été excellent skieur, très bon coureur à pied et parfait jockey.

Je me souviens de cet homme qui, dans une vie antérieure, avait connu les excès et qui, soucieux de la santé de ses enfants, se battait corps et âme pour qu’ils ne connaissent pas de telles expériences. Cet homme malheureux lorsque ses enfants, en dépit de ses efforts, voulaient vivre leurs propres expériences.

Je me souviens de cet homme qui pouvait vous peiner avec une phrase lapidaire au détour d’une phrase mais qui savait tellement vous faire rire avec ses blagues et qui n’était pas le dernier à rire de celles des autres.

Je me souviens de cet homme, humble artisan commerçant mais qui était l’un des piliers de cette église à laquelle il avait consacré sa vie.
Je me souviens de sa fierté (et de la mienne !) lorsque cet appel lui a été fait, pour cette fonction de patriarche qu’il a suivie durant une bonne trentaine d’années.

Je me souviens de la solennité et de l’émotion  avec lesquels il recevait chacun de ceux qui le consultaient pour ces bénédictions.
Je me souviens de son assistante, qui le secondait avec ferveur, modestie et fierté.

Je me souviens de cet homme doté non seulement d’aptitudes sportives mais de talents artistiques, que l’on sollicitait pour un dessin ou une sculpture avec la cire du Babybel.

Je me souviens de cet homme à la voix d’or qui, passionné de belle musique, savait placer son talent pour le plaisir de nos oreilles, seul ou avec son cher beau-frère Rino. Cet homme qui avait appris le chant en côtoyant les oiseaux du peintre Matisse pour qui il avait repeint l’appartement au Regina, lorsqu’il était peintre décorateur, comme son petit-fils Valentin aujourd’hui…

Je me souviens de cet homme qui aimait encourager le développement de tels talents chez ses enfants.

Je me souviens de cet homme qui, lorsque ses maigres finances le lui permettaient, voulait acheter le meilleur pour sa famille. Je me souviens de ce magnétophone à bandes sur lequel il avait voulu graver nos deux voix, chantant « Apprends-moi à marcher dans la clarté ».

Je me souviens de cet homme qui ne pouvait plus chanter comme auparavant mais qui, toujours plein d’humour, disait à tous : « Avant, j’avais la voix de Tino Rossi. Maintenant, j’ai la voix de Tino Rassis ».

Je me souviens de cet homme si malheureux après mon départ de la maison mais si radieux, tenant dans ses bras son merveilleux premier petit-fils.
Je me souviens de cet homme discret, ému par sa rencontre avec son premier arrière-petit-fils, ce merveilleux petit Robin, Joseph, Marcel.

Je me souviens de cet homme qui a accueilli les bras ouverts mon Amour enfin trouvé, mon Eric.
Cet homme, c’est mon papa et aujourd’hui il me manque déjà.

Je me souviens de ce merveilleux couple, toujours s’embrassant, au matin et au soir.
Je me souviens de cette fidélité entre eux, de leur entraide et de leur soutien face aux épreuves.

Je me souviens de ces deux inséparables, comme les oiseaux du même nom.
Je me souviens de la détresse de papa, il y a bientôt trois ans, lors du départ de la lumière de sa vie.
Je me souviens quand il m’a dit qu’il attendait de la retrouver.

Aujourd’hui, j’aime à penser que mes parents sont l’un auprès de l’autre et qu’ils nous regardent en souriant.

[ii]Texte lu à tour de rôle par Gabriel, Alexandre, Baptiste, et Valentin lors des obsèques de leur grand père Marcel JARDON :

Papy,

99 ans… ou presque, mais pour moi, tu étais en fait déjà centenaire, parce que ça te faisait plaisir de dire ça, et parce que tu avais tant d’aventures, d’anecdotes et de blagues à raconter, que j’ai l’impression que tu es là depuis cent ans.

Je me souviens d’encore pas mal de tes blagues et de tes expressions, comme quand tu parlais des mains pleines de doigts. Pour moi, tu étais un farceur, qu’on voyait surgir sur une photo où ton frère Roland posait, par exemple. Mais tu étais aussi un amateur d’histoires, qu’elles soient drôles ou autobiographiques. Je me souviens des histoires sur ton enfance que tu me racontais, quand tu étais en région parisienne et que tu marchais 10km à pied pour aller à Paris avec tes amis, puis 10km au retour. J’y pense encore aujourd’hui, quand je me plains des retards du métro. Ou bien quand tu me parlais de Nice, du champ en face de là où vous aviez vécu, et où jouaient Maman, Eric et Dany.

Eric, Maman, Dany, Mamie, tu ne rechignais pas devant le travail pour prendre soin d'eux. Petit, je te voyais comme infiniment vieux, mais pas un à la retraite ! tous les matins tu partais à la cabine, ton atelier de coutellerie, et alors que je ne réalisais pas à quel point ce métier pouvait être pénible, j'étais tellement fier de mon papy qui connaissait personnellement Mc GYVER, puisqu'il avait son couteau à la cabine! Et puis vint la retraite, tu as commencé à te reposer mais pas trop, il y avait trop à lire, trop à découvrir, à écrire, à dessiner. Et tes responsabilités de patriarche étaient grandes !

Pour moi, tu souhaitais partager, que ce soit des histoires ou des connaissances, en paroles, en dessin ou en musique. Tu aimais apprendre des choses et les raconter. Oh, le dialogue n’était pas toujours évident quand on était pas d’accord, mais je me souviens quand tu nous montrais à mes frères et moi comment faire de la guitare, comment bien se tenir pour faire des tractions à la barre ou alors comment faire pour embêter Mamie aux jeux de société.

Pour moi, tu étais aussi un centenaire d’élégance. Sur toutes les nombreuses photos, pour lesquelles il faut remercier celle qui était ta moitié, Mamie, on te voit toujours impeccable, en costume tiré à quatre épingles, parfois avec un long manteau, défilant fièrement les rues. Je t’ai connu un peu pareil, bon avec un peu plus de ventre bien sûr, c’est que tu aimais manger, mais bel et bien toujours chic.

Tu étais un peu la classe à l’ancienne et le style à l’ancienne, y compris dans ton autorité. Il y en a eu des passages de savon quand mes frères et moi prenions une pêche en plus, alors que c’était une par personne, ou alors parce qu’on faisait trop de bruit. Mais Papy, je me souviens de toi comme quelqu’un de sûr, qui respectait ce qu’il disait et qui aimait sa famille.

Un centenaire de blagues, d’élégance, d’amour et d’un peu de colère aussi, pour moi c’est toi Papy. Et j’espère , tu continueras à raconter des histoires, d’une manière ou d’une autre, avec Mamie et tout le monde.

Papy, tu étais, tu es, et tu seras toujours un exemple pour nous tous de par ta bravoure et ta droiture, puissions-nous être les centenaires que tu as été.